Ce jourd’huy vingt cinquiesme octobre mil six cent quatrevingts et cinque, Nous Charles Hiblot curé de Vaux Doyen rural de Carignan, Jean Simonet curé de Nepvant assesseur avec Jean Gobaux curé de Tetaigne nostre secretaire dans le decours de nos visites décanales avons visité l’Eglise Paroissiale d’Olizy en laquelle nous avons reconnues les choses suivantes, scavoir que :

Le Patron est St Remy.

Les collateurs le chapitre de Carignan

Ladite Eglise a deux Annexes scavoir Ignor et Malandry.

Le Curé le sieur Jean Jacmet

Il y a environ deux cens communians

Il y a trois autels dont le principal est consacré, et les deux collatéraux scavoir celuy de la Ste Vierge, et l’autre de Sainct Eloy, non consacrez.

 

Les décimateurs sont le chapitre de Carignan pour un tier des grosses et menuës dixmes et l’Abbaye d’Orval pour un autre tiers, et le sieur Curé pour l’autre des mesmes grosses et menuës dixmes, lequel sieur curé tire d’abondant la totalité des grosses et menuës dixmes sur certaines terres appellées Mazuages, auxquelles il a droit de nommer une justice composée de Maire, Lieutenant, et Eschevins, pardevant lesquels se passent les contracts desdits Mazuages ; de tout quoy il a Carthulaire aussy bien que de neuf faulchées ou environ de pré en trois divers morceaux ;

Il a divers anniversaires, dont il a la déclaration

 

La fabrique a une petite cense composée de treize iours de terres en tout, et de deux faulchées et demie de pré, qui rapportent presentement vingt deux quartels de grains moitié bled, et moitié avoine mesure de Carignan : Elle a aussy plusieurs menuës rentes provenantes des Anniversaires sur certaines terres, de tout quoy il a déclaration Le champ fosselet appartenant aux sieurs floncel Prestre habitué à Stenay est chargé d’une chopine d’huile envers la dite fabrique annuellement. Item quattre demies cents de terres labourables scises en lieudit au trou Pirard, dont il y en a trois chargez chacune d’un quarteron d’huile, et le quatriesme appartenant à Jacquemin Nisset sur la fontaine chargé d’une chopine ;

Le nommé Jean Richard demeurant audit lieu. doit a ladite fabrique une somme de treize escus d’argent presté, pourquoy il a tourné pour hypothèque deux morceaux de terre d’un demie cent chascun

 

Le Marlier s’establit par le sieur curé et communauté conioinctement, et ladite communauté pour son droit de nomination, paye audit Marlier chasque année par chascun mesnage deux liarts, lequel Marlier tire pour son gros douze quartels froment et autant d’orge mesure de Montmedy sur la totalité des grosses dixmes.

 

Il n’y a point de maison d’escholle pour enseigner la ieunesse.

 

Le pain et le vin pour les saincts sacrifices se fournissent par la fabrique.

Il n’y a pas de sage femme.

 

Les défauts de l’Eglise sont : Il n’y a point de lampe pour ardre devant le Sainct sacrement pendant les saincts services, festes et dimanches.

Le pavé de la nef corrompu en divers endroits, et celuy de la tour totalement corrompu. La grande porte de ladite tour est bouchée, comme aussy la fenestre qui y donne lumière. En ladite tour il n’y a point de planchier soub la cloche, a raison de quoy il y a péril pour les sonneurs.

Les fonts baptismaux ne sont point fermez

Manque un chapiteau pour exorcizer les enfans ;

Il n’y a point de ciboire

Le missel defectueux

Il n’y a point de confessionnal

Il n’y a ni chappes ny tuniques vallables

Il n’y a point de surplis pour le Sieur curé

Les demies festes ne sont pas observez

Les bourgeois font leurs assemblées sur le cemitiere à la sortie des Sts Services.

Les murs du cemitiere sont défectueux

Sur tout quoy nous avons trouvez a propos d’ordonner comme en effect nous ordonnons les choses suivantes.

Que les synodaux retireront des mains de Jean Richard la somme de treize escus cy dessus mentionnée et c'est au plustot, pour estre icelle somme appliquée aux choses les plus nécessaires de l’Eglise.

 

Ordonné que les habitans dudit lieu feront construire une maison d’escholle, et c’est dans le printemps prochain, et le plus près de l’Eglise que faire se pourra, pour enseigner la ieunesse, et entretemps loüeront au marlier une maison à leurs frais et coustz et auront soin d’envoier leurs enfans de bonne heure à l’escholle.

 

Le sieur curé aura soin de faire arrester toutes les femmes de la Paroisse au plustost dans l’Eglise un iour de feste ou dimanche pour estre choisie entre elles une Sage Dame Capable d’exercer cet office soub salaire raisonnable, qui est d’ordinaire de quattre esquellins pour chasque couche, et prestera serment entre les mains du Sieur curé, qui aura soin de l’instruire et lui enseigner la forme de baptizer en cas de nécessité, et la où que quelqu’une souhaiteroit d’avoir une sage femme de dehors, celle du lieu sermentée assistera a la couche, et lui sera payé son sallaire ordinaire encore qu’elle ne mette la main à l’œuvre.

 

Ordonné que les habitans procureront une lampe pour ardre devant le sainct Sacrement a tous les moins festes et dimanches pendant les Saincts Services toutes l’année, et pendant l’octave du sainct sacrement.

Ordonné aussy que lesdits habitans repareront les deffauts qui se retreuvent au pavé de la nef, et le pavé entier de la tour comme aussy feront déboucher la fenestre de la dite tour, et y mettront une vitre pour donner clarté, feront aussi déboucher la porte du grand portail, et y mettront une porte avec serrure, pour faire les processions à l’ordinaire et pour la commodité du peuple.

Ordonné aussi que lesdits habitans feront faire un plancher suffisant sous la cloche pour éviter les périls et inconviennans qui en pourroient arriver soub les peines d’en respondre en leur pur et privé nom, feront aussy fermer le fonts baptismaux. Et feront construire un chapiteau devant le grand portail pour exorcizer les enfants devant le baptesme.

Ordonné que les habitans procureront un ciboire d’argent, feront faire un siège confessionnal qui sera placé à la disposition de leur curé ; procureront aussy une chappe noire avec tuniques, et une autre de couleur rouge d’un costé et blanc de l’autre pour servire aux solemnitez avec les tuniques conformes, et fourniront un surplis au sieur curé pour les saincts services, et administration des sacrements.

Les seigneurs dixmiers fourniront un missel entier pour estre celuy dont on se serve defectueux.

Ordonné que les habitans observeront a l’advenir les demies festes commandez par l’Eglise iusque après les saincts services avec plus de sainteté qu’ils n’ont fait cy devant.

Lesquels services se feront le plus mattin que faire se poura pour la commodité des peuples, Scavoir les iours des Cendres,

Vendredy Sainct, Sainct Marc, les trois rogations, avant l’Assension, les iours des ames, et des innocens avec inionction aux paroissiens d’assister pour le moins une personne de chasque famille aux processions soub les peines comminées contre les violateurs des saincts iours.

Deffense au Mayeur, justice et communauté de faire aucune assemblé festes et dimanches ny autres iours pour quelqu’affaire que ce puisse estre sur le cemitiere, soub peine au mayeur et justice et autres officiers et habitans d’estre punis suivant la rigueur des ordonnances a quoy le sieur curé et synodaux tiendront la main, et signifieront les synodaux aux contrevenant une peine d’une demie liuvre de cire applicable à l’Eglise et en cas de récidive d’une liuvre et pour la troisième fois à une peine arbitraire.

Repareront en outre lesdits habitans toutes les bresches du cemitiere et entrées, et les mettront incessament en tel estat que les bestes n’y puissent entrer. Et comme il nous a esté remonstré par le Marlier dudit lieu appellé Cyprian d'Angoise

que cy devant un pré de trois quarts à esté donné à un marlier son devantier appellé Tonna, et qui en a iouÿ tout le temps qu’il a esté marlier, a charge de payer l’anniversaire qui est sur ledit pré, et que au préiudice de ce, le nommé Robert Glaudin laboureur dudit Olizy s’en a attribué la moitié depuis quelques années comme parent du donnateur, sans pourtant faire paroistre d’aucun tiltre, Nous disons qu’il sera loisible audit d'Angoise de faire citer par devant nous, quand il trouvera a propos ledit Glaudin, pour parties oui en faire tel droit que de raison, et qu’entre temps l’anniversaire le dira a l’ordinaire.

Enioignons au sieur Curé du lieu de continuer a enseigner la doctrine chrestienne chasques Dimanches et festes solennelles tant par prédications que catéchismes suivant le mandement de nos supérieurs de Treves

Authorizé par nos seigneurs de la Cour du Parlement de Metz soub les peines enoncées. Et en cas de contravention a nos presentes ordonnances nous implorons pour l’entière exécution d'icelles le bras séculier, enjoignans au sieur Curé du lieu d’en faire la publicacion a son premier prosne après l’Insinuation, afin que personne n’en ignore.

Ce qui fut fait, passé et ordonné audit Olizy ledit iour vingt cinquiesme octobre mil six cent quatrevingt et cinque au decours de nos visites décanales.

Avoient Signez Charles hiblot curé de Vaux doyen rural de Carignan, Jean Simonet curé de Nepvant assesseur, et Jean Gobaux curé de Tetaigne secretr du Chapitre avec paraphes.

 

Délivré pour greffe au sieur curé et habitans dudit Olizy requerans par moy soussigné

 

Jean Gobaux Curé de Tetaigne

Secretr du chapitre

Source : archives départementales de la Meuse.


Note

Coïncidence, le 17 octobre, soit quelques jours auparavant, l’Edit de Nantes vient d’être révoqué par l’Edit de Fontainebleau. Cet édit qui n’était que l’aboutissement d’une longue politique d’exclusion des protestants, révélait que Louis XIV n’était qu’un politique aussi peu visionnaire que les autres. Cependant est-ce que la bonne nouvelle était déjà parvenue jusque dans ces campagnes reculées ?

 

Quoiqu’il en soit ces enquêtes (fréquentes) tendaient à remettre sur le droit chemin l’exercice du culte rural. Des éléments de la contre-réforme catholique sont cependant visibles. Rappelons que la contre réforme catholique (issue du Concile de Trente) avait insisté particulièrement sur l’importance du Saint-sacrement. L’eucharistie : l’hostie et le vin consacrés deviennent vraiment le corps du Christ (il y a transsubstantiation). Par opposition au culte des protestants, où le pain et le vin conservent leur substance. Pour les catholiques, il fallait glorifier l’hostie, d’où les ostensoirs somptueux, l’importance des habits sacerdotaux etc.

 

Le patron est Saint-Rémi. On mesure la notoriété géographique qui fut celle de Saint Rémi de Reims. Des centaines d’Eglise paroissiales lui sont dédiées. Cet évêque, qui avait baptisé Clovis en 496 fut popularisé au 9ième siècle par l’évêque Hincmar de Reims, lequel écrivit une biographie légendaire de Saint-Rémi.

 

La porte est murée : certainement une protection contre les pillages et les coups de mains des troupes lors de la guerre de trente ans, si tragique pour la Lorraine. On observe sur les cartes postales d’avant 1914 que la porte était située latéralement sur la tour et non pas dans l’axe de la nef.

 

Pas de confessionnal : à Olizy on avait trois siècles d’avance sur les prescriptions du Concile de Vatican II !

 

Souci de l’instruction, certes l’école ne doit pas être trop loin de l’église mais c’est tout de même mieux que rien ! De même les sages-femmes, l’église était intéressée car elles devaient pouvoir baptiser en urgence un enfant nouveau né, en cas - si fréquent - de péril de mort.

 

Le chapiteau pour exorciser les enfants pourrait se rattacher à ces enfants mort-nés, qu’il aurait fallu quand même enterrer de façon chrétienne. De la même façon que la curieuse recevresse d’Avioth ? Rappelons que le cimetière était situé autour de l’Eglise à cette époque (le transfert a eu lieu au 19ième siècle).

 

Les affaires du village (on disait communauté d’habitants) se traitaient souvent à l’issue des offices religieux qui était l’occasion de rassembler les intéressés. On rencontre encore parfois des églises qui ont un auvent prévu à cet effet.

 

Un tiers de la dîme va à la proche Abbaye cistercienne d’Orval. Nous serions tenté de proposer en guise de compensation que les moines actuels consentent des ristournes sur la bière pour leurs anciens bienfaiteurs. Même s’il est vrai que les révolutionnaires ont détruit l’Abbaye.

 

Quoi qu’il en soit on peut se demander quel était l’effet réel de ces mesures, pouvaient-elles être vraiment sanctionnées ? Le pouvoir royal, lui-même, avait déjà bien du mal pour faire respecter ses propres ordonnances...


Glossaire

Annexes :
Eglise qui dépend d’une cure, on dit aussi succursale. (Inor et Malandry). Question y avait-il un vicaire ?
Anniversaire :
voir le texte sur ce sujet
Doyen rural :
dignitaire de l’Eglise qui a le droit de visite sur les curés de campagne dans les diocèses divisés en doyennés.
Collateurs :
celui qui nomme à un bénéfice ecclésiastique, le curé d’Olizy est nommé par le chapitre de Carignan.
Cartulaire :
ce sont les papiers terriers, y sont conservés la preuve des divers droits des églises ou d’un monastère (privilèges, chartes, contrats, immunités, exemption etc.)
Chapitre de Carignan :
les chanoines de la collégiale de Carignan nomment le curé, ils sont aussi décimateurs (ils perçoivent un tiers des dîmes).
Décimateur :
celui qui percevait les dîmes et qui souvent n’était pas le curé.
Demi fêtes :
il s’agit de fêtes consacrées à certains saints, elles étaient non chômées.
« Dixmes » :
(dîmes) impôt levé au profit des décimateurs frappant les fruits de toutes les terres roturières ou nobles et même des ordres religieux sauf quelques exceptions. Les loyers et revenus civils étaient exclus. L’impôt était quérable, le receveur du décimateur venait lors de la récolte prélever ce qui était dû selon la coutume locale. Les grosses dîmes (portaient sur les céréales et le vin) et les menues dîmes sur les légumes, fruits. Le taux était très variable selon les coutumes et les régions de France (c’était rarement un dixième en dépit du nom de cet impôt). Les paroissiens n’étaient pas opposés à la dîme, ils l’étaient à l’idée de payer à des décimateurs lointains. La dîme ne profitait pas - comme elle l’aurait dû - à la paroisse. Des conflits fréquents naissaient surtout quand il s’agissait de savoir quelle charge incombait à qui. Ainsi un Edit de 1695 - ultérieur à notre enquête - distinguait les frais relevant des décimateurs (entretien du chœur de l’église et du clocher s’il était au dessus) et ceux relevant de la paroisse (entretien de la nef et de la clôture du cimetière).
Esquellins :
Escalin (schelinus, shilling…) Petite monnaie d’argent valant environ sept sous de monnaie de France, qui a cours aux Pays-Bas et ailleurs (définition du dictionnaire de Trévoux).
Fabrique :
voir marguillier.
Fauchée :
unité de mesure valant à l’origine ce qu’un faucheur peut couper en un jour.
Insinuation :
déclaration annuelle faite par le curé à ses collateurs (le chapitre de Carignan) sous peine de perdre ses droits (ses revenus).
Liarts :
Le liard était une pièce de monnaie valant trois deniers
Mazuage :
les terres qui relèvent du curé, les actes, vente location, se faisaient devant une justice (il s’agit plutôt d’administration), les actes étaient tarifés et donc une source de profits pour le curé. Sous l’ancien Régime, l’exercice de la justice était une source de profit. Le terme doit être en usage localement.
« Marlier » Marguiller :
laïc chargé de l’entretien, de l’intendance d’une église. On parle aussi de « fabricien » ou de fabrique. Ils devaient rendre compte de leur gestion aux évêques.
Parlement :
Cour de Justice (en pratique une cour d’appel) qui avait outre le pouvoir de juger, celui d’édicter des règlements valables dans l’étendue de son ressort. Par ailleurs, les parlements devaient inscrire les diverses lois du roi sur des registres (enregistrement). Sans cette formalité la loi n’était pas applicable. C’était un pouvoir considérable. Le personnel des Parlements était composé d’officiers titulaires de leurs charges qui pouvaient la vendre ou la transmettre (noblesse de robe). Cette propriété de la charge était paradoxalement une garantie d’indépendance vis à vis du pouvoir. Les parlements furent à la fin de l’Ancien Régime en opposition perpétuelle aux rois n’hésitant jamais de recourir à la démagogie pour conserver leurs privilèges (ne serait-ce pas une constante historique ?). Comme toutes les terres du Luxembourg incorporées lors du Traité des Pyrénées : Olizy relevait du Parlement de Metz
« Prosne » :
Le prône est le sermon que le curé ou le vicaire faisait tous les dimanches en chaire à la messe paroissiale. On y publiait les bans de mariage, les monitoires (réquisitions de la justice civile), les enchères, les terres à vendre ou à louer, on y annonçait les jours de fêtes, de jeûne etc. C’était, en quelque sorte, le journal officiel local de la communauté villageoise.
Surplis :
Sorte de vêtement ecclésiastique, fait de toile, que les prêtres séculiers portent pardessus la soutane à l’Office, ou quand ils prêchent.
Synodaux :
les témoins synodaux étaient les curés chargés de rendre compte à leurs supérieurs des désordres constatés dans le bas clergé. Il pourrait s’agir des enquêteurs ?
Rogations :
Fête de l’Eglise qui dure trois jours, & qu’on célèbre avant l’ascension : auquel temps on fait des prières & des processions pour le bien de la terre. Les rogations s’appellent aussi Litanies (dictionnaire de Trévoux).

Remerciements

Monsieur l’abbé Paul Mélier ancien curé de Cesse et historien local, qui nous avait - notamment - informé de l’existence de ce texte.