" 1834 : cest lannée de la fondation, sur ce moulin, de la Forge dOlizy. Déjà citée en 1838 par Henriquet dans sa " Géographie de la Meuse ", comme " un bel établissement " muni dun haut-fourneau et dune fenderie (partie dune forge où le fer est fendu en barres), cette Forge prit très vite assez dimportance pour modifier sensiblement le chiffre de population des villages voisins et surtout dOlizy. Ainsi Olizy qui a mis 30 ans (1801-1831) pour passer de 503 habitant à 604, passe dès 1836 à 754 et en 1841 à 801, qui sera son maximum ; tandis que Nepvant a fait son plein avec 273 habitants dès 1836.
1842 : la Forge dOlizy occupe des terrassiers et des transporteurs pour extraire et amener le minerai de fer vers son haut-fourneau, des bûcherons pour lalimenter en charbon de bois ; des métallurgistes pour son cubilot, pour ses ateliers daffinage de la fonte et détirage au marteau
1848 : le prix du fer a baissé en 1845, le prix du charbon de bois est trop élevé dans la région : lusine dOlizy connaît des difficultés, et son personnel est sensible aux remous sociaux de la Révolution de 1848. Nous manquons de précisions sur ces difficultés, mais nous pouvons préciser un événement de la journée du 14 Juillet 1848.
Après avoir planté au printemps dans lenthousiasme un arbre de la liberté sur la place, la population ouvrière dOlizy fut déçue en été par la dissolution des ateliers nationaux, par le refus de la journée de 10 heures, et surtout par la répression sanglante des émeutes parisiennes de Juin. Le 14 Juillet, les ouvriers, groupés sur la place, étaient aigris et surexcités : on pouvait craindre un drame, car ils parlaient de sen prendre à leur curé, labbé Fleuret. Cest alors que le nouveau brasseur de 34 ans, Pierre Jaisson, eut lidée damener sur la place un fût dalcool (il y avait une distillerie dans la brasserie) et den faire la distribution gratuite à qui en voulait. Le vent de révolte sapaisa dans les rasades ; la seule " victime " de cette journée fut le brasseur lui-même, qui se vit molester par sa femme (Nathalie Gibou) en rentrant un peu trop gai à la maison, quand le tonneau fut vidé pour la bonne cause, pour la paix.
1851 1855 : en 1851, Olizy recense encore 789 habitants, mais le chiffre tombe à 701 en 1856. Ce nest certainement pas le choléra de 1854 qui est cause, car Olizy a été épargné par le choléra, les registres en font foi ; la chute de la population est due à la fermeture de la Forge entre 1851 et 1855.
Quand et comment eut lieu cette fermeture ? Nous manquons de renseignements. Daprès Jeantin, cette fermeture fut un " sinistre de la commandite ". Sans doute le bailleur de fonds refusa t-il de continuer à financer lentreprise, en raison des difficultés économiques, aux débuts du Second Empire ? Jeantin affirme que la Forge était " conduite par un homme de haute famille, dont la bonne foi fut surprise par un fripon ".
1862 1863 : Jeantin ajoute : " Cet établissement se relève ; il a été transformé par M. Gailly, son propriétaire actuel (le livre de Jeantin est édité en 1863), en un moulin muni de tous les accessoires dune grande usine hydraulique, et une fabrique doutils et dinstruments, dirigée avec intelligence par M. Petit. "
La " Géographie de la Meuse " de Pierson et Loiseau (datée de 1862, un an avant le livre de Jeantin) précise que lusine dOlizy est spécialisée dans la fabrication de pelles à terre en fer battu ou martelé. En tout cas, au recensement de 1861, la population dOlizy est remontée à 720 habitants.
1861 à 1896 : De 1861 à 1876, baisse assez rapide de la population. Lusine fonctionne t-elle encore et dans quelles conditions ? Nous savons que, probablement vers 1880, lusine est de nouveau une Fonderie qui travaille surtout pour les chemins de fer. Le propriétaire est M. Boutemy, de Messempré, et le directeur M. Chavanne.
Lusine semble travailler dans des conditions difficiles, car vers 1895, un accident mortel décide de la fermeture : un ouvrier, Hippolyte Laurent, brûlé par une pièce chaude quil tenait sur une meule émeri, lâche la pièce : la meule saute et louvrier est tué. Condamnée à payer une pension à la famille (la Sécurité Sociale nexiste pas encore), lusine sarrêta.
1896 1914 : Terrible aléa de linsécurité de lemploi : la masse ouvrière de la Forge dOlizy, dont le sort est lié à celui dune seule usine, doit une fois de plus émigrer, principalement sur Margut. La population est tombée à 514 au recensement de 1896, et la descente continue.
Mais cette fois encore, il se trouve quelquun pour entreprendre le relèvement de la Forge dOlizy. Le 3 Avril 1902 est fondée la " Société des Forges dOlizy " M. Charles André la prend en commandite pour dix ans : la chute deau fournit le courant électrique ; on construit de nouveaux ateliers et lîle entre le bras du canal du moulin et la Chiers est couverte dun ensemble imposant de bâtiment dont on devine encore limportance par les ruines qui en subsistent.
En 1905, lusine est en pleine action et occupe environ 130 ouvriers. Après avoir franchi le petit pont, près de la chute deau qui alimente la turbine motrice, les ouvriers sont pointés au bureau dentrée, immédiatement à gauche après le pont. Les salaires sont bas : un mouleur, qui vit encore (M. Louis Simon, né en 1885), gagne alors à pleine journée 4 à 5 F, en travaillent aux pièces.
Une grève éclate à la Forge en 1905, qui durera deux mois. Une compagnie de chasseurs à pied vient de Stenay camper dans la Forge pour le maintien de lordre. Cette grève fut très dure pour les foyers ouvriers sans ressources ni réserves : elle se termina sans résultats. Le travail y continuera jusquen 1914, mais avec changement de direction en 1910 : la Société des Forges dOlizy est dissoute et lusine devient propriété de la " Société Pravaz, Brachet et Richard ". Lusine est succursale dune usine métallurgique de Lyon-Monplaisir : on fabrique à Olizy principalement des réchauds à gaz, émaillés, mais aussi des cuisinières et des fourneaux.
En 1914, cest la guerre qui ferme lusine. Quand le village est incendié par les Allemands le 26 Août, lusine, à 500 mètres du village, reste indemne, et plusieurs foyers sy réfugient. Cest grâce à eux que labbé Lévèque, curé dOlizy en 1914, nous a apporté dans son livre " La plainte des martyrs " (1920) une visite de lempereur dAllemagne à la Fonderie dOlizy au printemps 1915 : " Ces Messieurs visitèrent en détail tout létablissement : la galerie (le parc) des châssis, la halle des machines à mouler, la remise des réchauds, la forge (qui servait à réparer les outils ou affiner les pièces), les ateliers de modelage, la chambre des noyauteurs, létuve, lémaillerie (ajoutons lancienne clouterie, qui servait de réserve), les appartements du directeur ".
Venu de Stenay dans une riche voiture, le Kaiser gagna Olizy à pied avec sa suite. Lempereur désirait-il remettre lusine en marche, ou bien seulement commencer à lusine la visite dun village détruit en août 1914 par ses troupes ?
Le travail ne devait reprendre à lusine dOlizy quaprès le départ des troupes allemandes. Un des sociétaires, un prêtre, labbé Brachet, est mort en 1915 ; ses héritiers continuent, mais Pravaz se retire ; la société devient en 1920 la société Brachet, Richard et Cie et prend la suite de la précédente. En 1926, les Brachet abandonnent, la société est dissoute, et Richard reste seul.
La Société avait travaillé pendant la guerre en France non occupée. A lusine de Lyon-Monplaisir sétaient adjointes des usines complémentaires à Issy-les-Moulineaux (Seine) et Ambérieu (Ain) : celle dOlizy, près de la lointaine frontière belge, dans une région dévastée, était condamnée à disparaître. Elle ferma définitivement ses portes en Juin 1927.
Vendue par licitation à la famille Rozet de Lamouilly, vidée de son matériel industriel, elle a vu sa ruine précipitée par les luttes de 1940 dans son voisinage, et jusquici un seul immeuble, de ce côté-ci du vieux canal inutilisé, a été rendu habitable : lusine dOlizy est morte. "