Ce jourdhuy vingtuniesme feburier Mil Six cent quatrevingt et huict comparut pardevant nous Mayeurs et eschevins exercant la Justice d’Olizy, Damien Visseau fermier par adjudicaõn du Moulin Bannal dudit lieu appartenant à Sa Majesté lequel scauroient présenté pardevant nous en cest qualité et nous auroit demandé permission pour avoir des bois à prendre dans les bois communaux dudit Olizy pour la réparation de la vanne dudit moulin, que la maison aussy dudit moulin, lequel ensuitte de la demande a nous faites par ledit Visseau, nous aurions enjoint de nous presenter, experts et gens a ce cognoissants qui puissent nous rapporter une exacte cognoissance et un rapport fidel et sincere de la quantité quil faut pour la réparation et rétablissement de laditte Vanne et Maison dudit Moulin pour aquoy satisfaire ledit Visseau fermier comme dit est, nous auroit présenté au mesme instant la personne de Henry Battin Maitre Charpentier et Meusnier du Moulin Bannal du Village de Nepvant et ledit Battin comparant pardevant nous lequel a dit et desclaree a nos présences laditte quantité des bois necessaires pour leffect des présentes en la forme et manière qui s’en suit premier pour la vanne cent pieds de hettres tant pour ventrier pillots que pont volant le tout pour le rétablissement dicelles et pour la toiture de la Maison dudit Moulin la quantité de quinze vernes et quarante quatre chevrons et trois entretoizes sept ventriers scavoir cinq dedans les coursiers et deux devant les sous bayard six petites pièces de bois devant les Evantillerie un sous bayard plus deux arbres propre pour sciages pour faire des planches laquel déclaraõn nous avons recus dudit Bottin le tout pour servir et valoir ce que de raison en foy dequoy il a marqué son présent rapport pour ne scavoir escrire ny signer interpellé de ce Ce quy fut fait et passé audit Olizy le Jour mois et ans que dessus apres lecture faite suivant l’ordonnance Marque dudit Henry Battin


Note

Au Moyen Age, le régime seigneurial, de concession de la terre, avait imposé des obligations multiples à ceux qui y étaient soumis, mais aussi quelques droits comme la protection du seigneur, cette dernière était devenue bien illusoire au 17ième siècle. Parmi ces obligations, on trouvait les banalités, institution contraignant les habitants à utiliser certains instruments (four, moulin, pressoir), sans pouvoir en utiliser d’autres. Le plus répandu était le moulin banal. Il s’agissait d’un impôt, parmi bien d’autres, récognitif du droit du seigneur sur la terre où vivaient les habitants. Ils tenaient leur terre de lui (les tenanciers).

 

Les moulins banaux étaient à la fin de l’ancien régime très impopulaires. Les meuniers jouissaient d’un monopole strict. Les conséquences étaient la limitation notable de la circulation des grains et donc l’aggravation des disettes. Les meuniers avaient mauvaise réputation, on les accusait non sans raison de malhonnêteté sur la quantité et la qualité de la farine produite. A tel point que la justice avait reconnu que le serment d’un meunier était sans valeur ! Les moulins étaient souvent en très mauvais état, la prestation était banale et ordinaire, d’où l’origine du mot.

 

En général, les meuniers prélevaient pour leur rémunération 1/24ième de la farine produite. Ils reversaient une partie de leurs revenus au seigneur. Rappelons que le seigneur, à la fin de l’ancien régime, est un personnage qui a placé son argent en achetant la seigneurie d’Olizy où il n’est sans doute jamais venu et qui se contente de toucher les revenus des divers droits. Le placement à taux garanti de l’époque en quelque sorte...

 

Mais à Olizy, pour le cas particulier du moulin, c’est le roi (la couronne ou l’Etat) qui est propriétaire. Le meunier (Damien Visseaux) n’est qu’un locataire, le bail est conclu pour une durée de 99 ans. Les revenus tirés du moulin, vont au Roi de France (au domaine royal, pas directement dans la poche de l’ensoleillé Ludovicus XIV !). Ceci depuis le rattachement de la prévôté de Chauvency au royaume de France par le traité des Pyrénées de 1659. Le domaine royal est en fait l’héritier des lointains Comtes de Chiny. « lîle du moulin qui sont notre banal en touttes manières » précisait le Comte de Chiny dans la charte d’Olizy de 1284.

 

Il semble qu’à Olizy la fourniture des matériaux pour l’entretien du moulin soit à la charge des habitants car le bois est pris dans la forêt communale (à une époque d’extrême rareté du bois !). Le meunier du moulin banal du village voisin de Nepvant est reconnu expert pour dire quels sont les besoins en bois de construction. Peut être que les meuniers de cette région étaient plus honnêtes qu’ailleurs ?

 

Quelques années auparavant, il était indiqué sur des rapports faits par les receveurs des domaines du roi que le moulin banal d’Olizy était ruiné (ne nous y trompons pas : une conséquence des guerres).

 

La solution pour se débarrasser de cette obligation aurait été pour les habitants de la racheter en payant une rente chaque année.

 

A Nepvant, le moulin était situé sur le ruisseau qui traverse le village, le long de l’ancienne route de Stenay. A Olizy, il semble situé sur la Chiers à la place qu’occupera ensuite l’usine. (Voir les cartes de Cassini et du 19ième siècle).

 

Pas banal tout ça.


Glossaire

Bayard (baillard) :
désigne une pièce bois, servant dans l’industrie de la laine, ici l’usage local est incertain.
Chevron :
Pièce de bois équarri sur laquelle on fixe les lattes qui soutiennent la toiture.
Entretoise :
Terme de charpenterie, se dit des pièces de bois qui se mettent de travers dans un pan de charpente et qui s’assemblent par des mortaises et tenons avec les poteaux pour les tenir fermes.
Pillots :
Terme d’architecture hydraulique, pilotis était plus usité, il s’agit de pièces de bois servant à asseoir les fondements d’un édifice dans l’eau ou dans un lieu dont le fond n’est pas solide.
Pont volant :
Sorte de passerelle ?
Vantiller :
Terme de charpentier, mettre de bonnes planches de deux pouces d’épais pour retenir l’eau.
Vernes :
Sorte de bois nommé ordinairement Aulne, ici un autre sens n’est pas à exclure.