Ce Jourd'huy neufième mars mil sept cent soixante et onze en la chambre servante d'auditoire ce pardevant nous Guillaume Joseph Bouton officier juge de la haute justice terre et seigneurie d'Olizy le procureur fiscal présent, est comparüe en personne Marie Barbe P.......* fille mineure de deffunt Guillaume P....... et d'anne D....... de Cette paroisse Laquelle nous a dit être âgée de vingt trois ans ou environ et que pour satisfaire à l'Edit d'henry Deux elle nous declaroit être enceinte de quatre mois ou environ des œuvres d'un homme a elle inconnu qui la violenté sur le chemin qui conduit de ce village en la ville de mouzon quelle n' a jamais eu aucun autre commerce charnel avec aucun autre, de laquelle Déclaration lui ayant fait faire lecture elle a affirmée le Contenu en Icelle veritable et a faite Sa marque pour ne scavoir ecrire ny signer de ce interpellé suivant l'ordonnance et nous avons signés avec le procureur fiscal et notre greffier Lecture faite

Source : registre des déclarations des filles et veuves enceintes, archives de la justice d'Olizy

* Nous limitons les noms à l'initiale (légitime pudeur pluri-séculaire).


Note

Bien triste affaire puisque le 29 janvier 1777, sa sœur cadette Jeanne, fille mineure des mêmes, âgée de 21 ans environ déclare une grossesse suite à promesse de mariage. Puis le 20 janvier 1781, la même alors âgée de 25 ans environ déclare être enceinte "des œuvres d'un inconnu qu'elle a trouvé sur le chemin dudit Olizy à Vaux". La loi des séries...

On ne saurait toutefois exclure l'hypothèse que l'inconnu sur le chemin soit un moyen de ne pas dénoncer le père véritable...

 

Un édit d'Henri II de 1556 prescrivait une obligation aux femmes non mariées de déclarer leur grossesse. La mort d'un enfant et une grossesse cachée valaient alors présomption d'infanticide, puni de pendaison. Il était donc prudent de faire une déclaration. Au XVIIIième siècle, les municipalités encouragent les déclarations pour contraindre les pères à participer à l'entretien des enfants et éviter les abandons et les infanticides. En 1708, Louis XIV rappelle aux curés l'obligation faite de lire au prône tous les trois mois l'édit d'Henri II : "Quoyque la licence & le dérèglement des mœurs qui ont fait de continuels progrez depuis le temps de cet édit en rendent tous les jours la publication plus nécessaire".

 

A Olizy, les déclarations des mères portent d'ailleurs parfois la mention "pour conserver ses droits et actions contre l'auteur de sa grossesse".

 

On enjoint à la future mère "de bien conserver son fruit tant quelle le portera et après qu'il sera né de l'élever en bonne mère dans la religion catholique apostolique et romaine et d'en certifier le procureur fiscal de trois mois en trois mois".

 

Parfois la femme a été par l'homme "conduite à condescendre à ses désirs charnels" par la promesse de mariage. Mais il se peut qu'aucune promesse n'ait été faite, alors on note cette absence de circonstances atténuantes comme si c'était plus grave : "que sans esperance d'aucune promesse même de la moindre récompense qu'elle avait eu la faiblesse de consentir à ses sollicitations toutes fois et quantes elle a reitéré".

 

Parfois le père promet d'épouser dès que la femme le lui demandera. Un autre, veuf lui-même, a séduit une veuve du lieu puis est parti à Charleville sans laisser d'adresse.

 

D'autres déclarations sont plus naïves : "est parvenu à la séduire que par surprise, il l'a fait nuitamment ce plusieurs fois lors qu'elle étoit endormie"

 

Les déclarations sont cependant assez rares sur une période de trente ans.